Stimuler la demande nationale allemande (Deutschlands Binnennachfrage ankurbeln)

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July 05, 2010, Le Monde

(Gastbeitrag von Klaus F. Zimmermann)
 

Une partie essentielle du débat sur l'avenir de la zone euro est centrée sur la question de savoir si l'Allemagne, en tant que plus grosse économie européenne, devrait – ou pourrait – développer sa demande intérieure. Au milieu de toutes les discussions, on a oublié qu'il y a un triple jeu à portée de main – une chose dont les hommes politiques rêvent, l'appelant un scénario gagnant-gagnant-gagnant, mais qu'ils entrevoient rarement.

Les trois facteurs en jeu – et qui devraient être alignés – sont, premièrement, les contraintes du secteur des services allemand, deuxièmement, la présence sous-optimale des femmes dans le monde du travail et, troisièmement, les souhaits de nos voisins de l'Union européenne et de nos partenaires mondiaux de stimuler la demande en Allemagne.

Pour voir comment tout cela coïncide, il suffit d'étudier une analyse d'économistes de Goldman Sachs. Ils ont examiné les taux d'emploi des femmes pays par pays et, dans le cas de l'Allemagne, ont trouvé que le PIB du pays pourrait être 9 % plus élevé si les femmes participaient plus pleinement au marché du travail.

A première vue, le ratio global de la participation des femmes dans le marché du travail en Allemagne – à 69,7 % (chiffre 2008 de l'OCDE) – paraît assez impressionnant. Cependant, ce chiffre apparemment impressionnant cache le fait que plus de femmes en Allemagne dans la tranche d'age des 25-49 ans travaillent à temps partiel (39 %) qu'à temps plein (34 %).

Par contraste, dans la France voisine, seulement 23 % des femmes dans cette tranche d'age travaillent à temps partiel, contre 52 % à temps plein. Cette comparaison à elle seule montre clairement que le potentiel de croissance de l'économie allemande pourrait être développé en permettant à plus de femmes de travailler plus longtemps, si elles le désirent.

Quelles que soient les raisons qu'il y ait eu dans le passé de ne pas réagir à cette situation critique, il est grand temps de changer cela, surtout car une réforme maintenant renforcerait le secteur toujours sous-développé des services en Allemagne, et par la même occasion la taille critique de la demande nationale.

Etant donné que les emplois dans les services représentent presque les trois-quarts du marché du travail allemand, et que les femmes travaillent essentiellement dans les services – plus de 80 % des emplois féminins sont dans ce secteur, et beaucoup d'entre eux sont centrés sur l'économie nationale – l'augmentation du travail des femmes amènerait clairement à une hausse des services locaux plutôt que des exportations.

DIVERSIFIER LES SOURCES DE LA CROISSANCE

Mettre fin au parti pris vis-à-vis des foyers où une seule personne travaille fait aussi en fait tout autant partie du débat allemand actuel sur la réforme fiscale.

Une raison supplémentaire pour laquelle il est important de faciliter le travail accru des femmes en Allemagne est que notre pays, par comparaison particulièrement avec ses voisins scandinaves, est très à la traîne en ce qui concerne le pourcentage de la population diplômée de l'université.

Considérant que les femmes représentent 51,1 % des diplômés universitaires en Allemagne et que – au moins dans le passé – un bon nombre de femmes n'intégraient pas le marché du travail, ce groupe représente une importante ressource prête à être déployée dans le marché du travail.

Il y a depuis longtemps en Allemagne un débat sur la question de savoir si le gouvernement devrait centrer ses activités sur la facilitation du travail des femmes. Les conservateurs, au sens large, ont tendance à s'aligner de l'autre côté de la discussion, préférant que les femmes se concentrent sur leur famille. Ceci paraît cependant être une conviction plus difficile à croire que démodée. Encore une fois, l'exemple de la France voisine est clair. Les Françaises ont tendance à mieux faire que les Allemandes dans les deux cas : elles travaillent plus et ont des familles plus grandes.

En conclusion, le scénario de rêve de tout homme politique est à portée de main, un jeu gagnant-gagnant-gagnant. Mettre à jour la réglementation du marché du travail allemand pour permettre à plus de femmes de rentrer dans la vie active (et/ou de travailler plus d'heures) a le potentiel d'améliorer la performance de l'économie des services allemande.

Ceci permet de diversifier les sources de la croissance économique allemande et ainsi d'améliorer la stabilité économique sur le long terme. Cela, en retour, ne peut que stimuler la demande nationale, chose que le critiques de l'économie allemande à l'étranger ont longtemps demandé. Permettre aux femmes de travailler est un objectif valable de par lui-même. Si une telle réforme finit par remplir trois desseins – donner du pouvoir aux femmes, renforcer l'économie et satisfaire nos voisins – qui irait se plaindre?

Klaus Zimmermann, président de l'Institut allemand pour la recherche économique (DIW Berlin), et directeur de l'Institut de l'étude sur le travail (IZA)


Reprinted with permission.

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